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INSTITUT ÉGYPTIEN

PROCES-VERBAUX MÉMOIRES ET COMMUNICATIONS

BULLETIN

DE

L'INSTITUT EGYPTIEN

Quatrième Série. N" 5.

ANNÉE 1904

LE CAIRE

IMPRIMERIE NATIONALE 1905.

hT

BULLETIN DE L'INSTITUT EGYPTIEN

SEANCE DU 11 JANVIER 1904.

Présidence de S. E. Yacoub Artin pacha, président.

La séance est ouverte à 3 heures et quart. Sont présents :

LL. EE. Yacoub Artin tacha, président,

Hussein Fakhry pacha, / . / ■, ^

T^ . ' > vice-présidents.

LE D"" Abbate pacha, \ ^

MM. Barois, trésorier-bibliothécaire,

Gavillot, secrétaire général,

D"^ W. Innés bey, secrétaire annuel.

Ahmed bey Kamal, Aly bey Bahgat, le D" Bay, Boinet bey, le D*" Da Corogna bey, Ch. Gaillardot bey. S, E. le D'' Hassan pacha Mahmoud, MM. Herz bey, le D' Keatinge, J.-B. Piot bey, le D" Sandwith, A. Souter et le commandant L. Yidal, membres résidants.

Assistent également à la séance, M™^ Barois, les RR. PP. Larivaz et Chaîne, MM. A. Chagavat, Y. Mosseri, etc.

Le procès-verbal de la séance du 29 décembre dernier, lu par M. le Secrétaire annuel, est adopté sans observations.

BULLETIN DE L LN'STITUT EGYPTIEN

sur la candidature de M. le professeur Blanchard au titre de membre correspondant.

M. Blanchard est élu à l'unanimité des 19 votants présents et est proclamé, par M. le Président, membre correspondant de l'Institut Egyptien.

M. PiOT BEY, portant la parole pour lui et pour plusieurs de ses collègues qui l'en ont prié, développe certaines consi- dérations et formule deux propositions que l'auteur résume en ces termes :

(( Lors de la mort de notre regretté collègue, M. Floyer, beaucoup d'entre nous ont été peines de n'avoir pu suivre son convoi funèbre, faute d'avoir été avisés à temps de la levée du corps. Le défunt se trouvant sans famille au Caire, aucune lettre de faire part n'a été envoyée ; le bureau de l'Institut n'a même pas été prévenu et c'est pourquoi notre Société n'a pas été représentée aux obsèques aussi grandement qu'elle l'eût désiré.

« A ce propos, j'ai l'honneur de j^roposer la motion suivante: (( en cas de décès de l'un des membres de notre Société ceux « de nos collègues qui en seraient avisés en temps utile sont (( priés d'en informer le bureau, dans le plus bref délai, afin « qu'il s'entende sur les mesures à prendre d'urgence, cou- ce ronne funéraire, discours, délégation aux obsèques, etc. ».

(( D'autre part, et sans recourir à une addition aux statuts de la Société, il serait juste et digne de rappeler dans l'une des séances qui suivront le décès, en une notice nécrologique sommaire, les titres et les travaux scientifiques de ce défunt collègue, ainsi que cela s'est déjà pratiqué pour quelques- uns.

(c Le bureau pourrait faire appel, dans cette circonstance, à celui de nos collègues qui aurait été lié de plus près avec le membre décédé et le désigner, après s'être assuré de son acquiescement, à l'approbation de l'Institut en comité secret. »

PROCÈS-VERBAL DU 11 JANVIER

S. E. Artin pacha s'associe d'autant plus volontiers au premier vœu exprimé, qu'il a eu le regret, lui un ami depuis vino-t-deux ans de M. Floyer, de ne pas avoir été informé de son décès en temps voulu pour assister à ses funérailles, et, quant au second vœu émis, M. le Président en reconnaît la convenance et l'opportunité, car il y a satisfait d'avance en communiquant des notices nécrologiques sur plusieurs de nos collègues disparus.

S. E. Abbate pacha invoque aussi l'usage académique de faire prononcer par le récipiendaire l'éloge de son prédéces- seur. Comme M. le Président, il souhaite qu'une notice nécro- logique soit prochainement lue sur la vie et les travaux de M. Floyer dont le préopinant fait le plus grand éloge.

M. Gavillot admet que le premier membre de l'Institut informé du décès d'un de nos confrères se fasse un devoir d'en avertir sans retard le bureau, aux fins de prendre des mesures pour qu'une délégation assiste aux funérailles, mais il pense qu'il suffira de s'en rapporter à la bonne volonté de celui de nos confrères qui aura été l'ami, ou aura connu de plus près l'un des membres décédé de l'Institut, pour être assuré qu'une notice nécrologique sera, comme cela est advenu nombre de fois, spontanément préparée et portée à l'ordre du jour de l'une de nos séances, sans qu'il soit besoin d'admettre la formalité préconisée par M. Piot bey, qui ne résulte pas d'un texte quelconque de nos statuts.

M. LE D"" Innés bey demande pourquoi on ne modifierait pas les statuts.

S. E. Artin pacha répond que cette modification est im- possible en l'état, parce qu'il faudrait se conformer au texte formel de l'article 26 qui prescrit la présence de la majorité

BULLETIN DE L INSTITUT EGYPTIEN

absolue des membres résidants, laquelle n'est réalisée que très difficilement.

Après échange d'observations entre M. Gaillardot bey et plusieurs membres, sur les moyens et les délais pour donner la notice nécrologique d'un confrère décédé, l'incident est clos sans vote.

La séance est levée à 4 heures 40.

Le Secrétaire général, J. C. Aristide Gayillot.

Le Nil n'est plus aujourd'hui ce fleuve mystérieux aux sources inconnues dont l'imagination populaire se plaisait à entourer de légendes les crues bienfaisantes. Le temps est passé également les géographes, se basant sur des renseignements transmis de proche en proche par des populations sauvages et ignorantes, traçaient au fleuve un cours fantaisiste au travers de vastes régions inexplorées.

Les expéditions de Méhémet Ali, vice-roi d'Egypte, commencèrent, dans la première moitié du siècle dernier, à ouvrir l'accès de la vallée supérieure du Nil, et bientôt d'intrépides voyageurs, Speke, Grant, Baker, Chaillé-Long, Gesse, Schweinfurt et tant d'autres, remontèrent le cours du fleuve, en visitèrent les affluents et apportè- rent des éléments d'information qui permirent d'étudier d'un peu plus près le régime de ses eaux, de déterminer les limites générales de son bassin et de reconnaître le rôle que jouent dans l'écoulement des pluies tropicales les vastes lacs et les immenses marécages de la région équatoriale.

Les ingénieurs et les officiers que le Khédive Ismaïl envoya organi- ser le Soudan complétèrent ces renseignements, les précisèrent, leur donnèrent une forme plus scientifique en multipliant les observations ; mais l'étude du grand fleuve dans ces hautes régions se trouva inter- rompue par les événements qui, en 1884, fermèrent ce pays à la civili- sation. Elle ne put être reprise qu'en 1899, lorsque les Anglais, avançant par le sud, eurent conquis les rives du lac Victoria et que l'armée anglo-égyptienne eut arraché à la barbarie la ville de Kartoum et tout le cours supérieur du Nil. Depuis plusieurs années déjà un observatoire météorologique et un nilomètre ont été installés sur le lac Victoria, d'autres nilomètres viennent également d'être établis en divers points de la vallée, nous saurons donc dans quelque temps avec précision comment varient les débits des divers affluents et comment ils concourent à la formation de la crue qui fertilise l'Egypte.

1. Cette communication est composée d'extraits d'un ouvrage en cours de publi- cation sur les irrigations en Eg)'pte, par l'auteur. Ces extraits sont groupés de façon à donner un aperçu de la question des réservoirs du Nil.

BULLETIN DE l'iNSTITUT IÉGYPTIEN

Les données recueillies journellement sur le mouvement des eaux dans ces parages lointains sont dîjk d'un grand secours pour le service des irrigations ; mais elles ne sont pas encore assez nombreuses pour qu'on puisse en déduire des conclusions rigoureuses. A partir d'Assouan, au contraire^ le Nil a été très bien étudié depuis longtemps et est parfaitement connu, et la raison en est simple. C'est en effet le Nil, on ne saurait trop le répéter, qui donne vraiment la vie à l'Egypte ; chacune des gouttes d'eau qu'il y apporte est un germe fécond, indispensable à toute production du sol dans ce pays brûlé d'un bout à l'autre de l'année par un soleil qui se voile rarement ; sous d'autres climats, l'utilisation agricole des rivières peut apporter un surcroît de richesses au pays, ici la fertilité résulte uniquement de l'art avec lequel les eaux d'arrosage sont aménagées et distribuées dans les diverses parties du territoire, la stérilité règne partout ces eaux n'arrivent pas.

Aussi, l'étude des fluctuations du Nil en Egypte a, dès l'époque des civilisations anciennes, joué un rôle important dans les préoccujDations des gouvernants. Les restes du nilomètre pharaonique de l'île d'Elé- phantine en sont une preuve, ainsi que la découverte récente, sur le mur du quai antique du temple de Karnak, d'inscriptions relatant des niveaux et les dates de plusieurs crues des ix*^ et x"^ siècles avant notre ère.

Plus tard, les historiens arabes conservèrent dans leurs ouvrages le souvenir des crues les plus remarquables par leur abondance ou leur pauvreté ; on inscrivait d'ailleurs religieusement dans les archives les cotes du Nil relevées à un nilomètre établi dans l'île de Rodah, auprès du Caire, et des fêtes officielles et populaires, dont l'une, celle de l'ouverture du canal du Khalig, au Caire, s'est maintenue jusqu'à nos jours, célébraient l'arrivée de l'inondation sur les terrains de culture.

Dans les temps modernes, les premières recherches un peu précises sur le Nil en Egypte ont été faites par les ingénieurs de l'expédition de Bonaparte. De cette époque datent des cartes de la vallée à grande échelle, des relevés de vitesse, de pentes et de débits. Ces travaux furent continués sous les règnes deMéhémet Ali et de ses successeurs, par des ingénieurs français parmi lesquels Linant de Bellefonds et Mougel bey, et par des ingénieurs égyptiens. Mais l'utilisation intensive et scientifique des eaux du Nil pour l'agriculture ne faisait

UNE PAGE DE L HISTOIRE DES IRRIGATIONS EN EGYPTE 9

alors que commencer ; et, malgré le développement que prit l'irriga- tion des terres dans la période comprise entre 1850 et 1880, les ingé- nieurs du gouvernement n'ayant pas alors à leur disposition les ressources régulières et assurées qui seules permettent d'entreprendre de grands travaux publics, devaient se borner à des constatations locales et laisser de côté les vues d'ensemble ; toutefois, de nombreux nivellements étaient déjà exécutés et rattachés les uns aux autres. Pendant cette période, si les crues faibles et les étiages bas obligeaient parfois à prendre temporairement des mesures énergiques pour pré- server le pays de la famine ou de la misère, le développement agricole n'était pas encore suffisant pour que la répartition des eaux du Nil entre les diverses parties de l'Egypte, dans une année normale, devînt une éventualité déjà inquiétante pour l'avenir. Mais le proljlème s'étant enfin posé, grâce à la prospérité croissante du pays, il a bien fallu serrer de plus près la question du régime du Nil. Les ingénieurs anglais qui, depuis 1884, dirigent les irrigations, se sont naturelle- ment appliqués à obtenir des données de plus en plus précises et nombreuses sur le fleuve ; leurs études sont résumées chaque année dans des rapports imprimés dont l'ensemble forme au recueil précieux. Enfin, lorsque M. l'ingénieur Willcoks fut chargé d'établir un projet pour l'emmagasinement de l'eau des crues, il eut à se livrer à des recherches d'ensemble sur le cours du Nil, ses pentes, ses débits.

Il n'existe peut-être pas actuellement un autre grand flieuve aussi bien étudié que le Nil, en Egypte, dans tout ce qui concerne l'emploi de ses eaux pour l'agriculture.

C'est que, en effet, l'Egypte en était arrivée à ini point elle se trouvait menacée dans son développement agricole, si une utilisation plus complète du débit annuel du Nil ne lui permettait de prendre un nouvel essor. Quelques chiffres vont le démontrer.

La situation de l'Egypte, au point de vue de l'irrigation, est la suivante :

La surface totale cultivée est de 2,380,000 hectares, répartis comme

suit :

Basse-Egypte 1,400,000 hectares.

Haute-Egypte 800,000 »

Fayouni 130,000 »

Total 2,380,000 hectares.

10 BULLETIN DE l'iNSTITUT IÉGYPTIEN

La Basse-Egypte et le Fayoum sont cultivés par irrigation ; la Haute-Egypte est cultivée partie par inondation, partie par irriga- tion dans la proportion moyenne ci-après :

Cultures par inondation 615,000 hectares.

Cultures par irrigation, dites uabari 115,000 »

Cultures par irrigation' permanente 120,000 »

Total 850,000 hectares.

Il faut ajouter à ces chiffres les cultures qédi, qui se font au milieu du bassin d'inondation avant la crue, qui sont aussi des cultures d'irrigation et qui représentent 40,000 hectares.

Ainsi, annuellement, la surface cultivée par irrigation est :

Basse-Egypte 1,400,000 hectares.

Fayoum 130,000 »

Haute-Egypte :

Irrigation permanente 120,000 »

Nabari 115.000 »

Qedi 40,000 »

Total pour l'irrigation 1,805,000 hectares.

La surface cultivée par inondation est de 615,000 »

Total général 2,420,000 hectares.

Les 40,000 hectares de cultures qédi sont comptés à la fois dans l'irrigation et dans l'inondation, ces deux modes de culture se succé- dant sur les mêmes terres. Les cultures qédi étant alimentées par la nappe souterraine, n'entrent pas en ligne de compte dans le calcul dès quantités d'eau à amener du Nil sur les terres ; on ne doit donc baser les calculs à ce point de vue que sur 1,765,000 hectares à pourvoir d'eau d'irrigation.

D'autre part, le nabari des bassins d'inondation ne comporte qu'une irrigation temporaire pendant quelques mois de l'année ; de telle sorte que l'irrigation permanente s'étend seulement sur une surface totale de 1,650,000 hectares.

Or, les terres d'irrigation permanente réclament des quantités d'eau variables suivant les saisons, soit :

Janvier, février et mars 0,220 litre par seconde et par hect. cuit"®.

Avril, mais, juin 0,247 » »

Du 1" au 15 juillet 0,357 » »

Du 16 juillet à fin octobre 0,687 » »

En novembre 0,302 » »

En décembre 0,220 » »

1. 100,000 hectares dans la région du canal Ibrahimieh et 20,000 hectares arrosés au moyen de pompes en dehors de cette région.

UNE PAGE DE l'hISTOIRE DES IRRIGATIONS EN lÉGYPTE 11

Quant au remplissage des bassins, il nécessite 200 millions de mètres cubes par jour pendant quarante jours, du 15 août au 25 sep- tembre, soit 2,300 mètres cubes per seconde.

Enfin, les terres cultivées au nabari ont besoin de 0,605 1. par hectare du 15 août à fin octobre.

Dans ces conditions, la demande d'eau actuelle de l'Egypte est donnée par le tableau ci-dessous.

MOIS

DÉBIT NÉCESSAIEE EN MÈTRES CUBES PAR SECO>fDE

Irrigation permanente.

Nabari.

Bassins.

Totaux.

1.650.000 hect.

115.000 hect.

615.000 hect.

2.380.000 hect.

Janvier, février, mars

Avril, mai, juin

360

410

590

1.130

1.130

1.130

500

360

70 70 70

2.300 2.300

360

410

590

1.200

3.. 500

3.500

500

360

1er au 13 juillet

16 juillet au 15 août

15 août à fin septembre... En octobre

En novembre

En décembre

Si l'on compare ces demandes d'eau aux débits mensuels du Nil dans une année moyenne, on obtient les résultats suivants :

MOIS

VOLUlffi EN

,

MÈTRES CUBES PAR SECONDE

Débit du NU.

Besoins d'eau.

Différence en plus.

Janvier

1.600

1.210

900

610

480

510

1.890

7.180

9.170

6.. 310

3.410

2.250

360

360

360

410

410

410

1.200

3.. 500

3.. 500

3.500

500

360

1.300

850

540

200

70

100

690

3.680

5.670

2.810

2.900

1.890

Février

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

Septembre

Octobre

Novembre

Décembre

Le débit moyen du Nil suffit donc aux conditions actuelles de la culture, d'autant plus que, parmi les terres de la Basse-Egypte clas-

12 BULLETIN DE l'iNSTITUT ÉGYPTIEN

sées comme terres cultivables, il y en a une certaine quantité, autour des lacs ou sur les bords du désert, qui sont seulement dans une période de défrichement et qui ne prennent pas toute la part d'eau qui leur revient théoriquement.

Mais si l'on considère une année de mauvais étiage, comme l'année 1900, oii pendant les mois de mars, avril, mai et une partie de juin, le débit du Nil a à peine atteint 250 mètres cubes par seconde, on ne peut arriver à sauver les cultures d'été que par des mesures exception- nelles qui consistent en suppression des cultures de riz et établisse- ment entre les périodes d'arrosage d'intervalles de chômage d'une durée exagérée. Or, dans une période de trente ans, de 1871 à 1900, il y eut 14 étiages pour lesquels la hauteur minimum du Nil a été de plus de 0,05" inférieure à la moyenne.

D'autre part, les besoins d'eau pour l'irrigation s'élèvent très rapi- dement de 410 mètres cubes per seconde, en juin, à 1,200 mètres cubes per seconde, en juillet ; le débit moyen du Nil monte, il est vrai, au même moment de 510 mètres cubes par seconde, en juin, à 1,890 mètres cubes par seconde, en juillet. Mais, si la crue est en retard, ou si le débit moyen du mois de juillet n'est, comme en 1899, que de 1,350 mètres cubes par seconde, le service des irrigations se trouve fort embarrassé et est obligé, dans l'intérêt des cultures d'été, de retarder plus ou moins les semailles du maïs nili.

Par contre, pendant les mois de la crue et pendant les mois d'hiver, c'est-à-dire du mois d'août au mois de mars de l'année suivante, le débit du Nil est toujours supérieur aux besoins. Il y a, il est vrai, de mauvaises crues ; mais ces crues sont dites mauvaises par le niveau peu élevé qu'elles atteignent plutôt que par le manque de volume ; car, dans l'état actuel de l'aménagement des bassins d'inondation, la hauteur des eaux dans le fleuve est encore un élément essentiel d'un bon remplissage, malgré tous les travaux qui ont été exécutés pour remédier aux inconvénients de la faiblesse des crues.

Si donc, on ne compte pas les trois mois de crue, août, septembre et octobre, pendant lesquels le régime des niveaux du fleuve doit être respecté tant que subsisteront les bassins d'inondation avec leurs moyens actuels d'alimentation, le tableau ci-dessus montre que l'excé- dent du débit des mois de novembre, décembre, janvier, février et mars donne dans une année moyenne un volume inutilisé d'une

UNE PAGE DE l'hISTOIRE DES IRRIGATIONS EN EGYPTE 13

vingtaine de milliards de mètres cubes. Dans les plus mauvaises années, par exemple en 1899-1900, cet excédent de débit se trouve être encore de 5,400,000,000 de mètres cubes.

En 1900, le gouvernement égyptien commença à étudier les moyens pratiques de prélever une part de cette énorme masse d'eau et de la mettre en réserve en un point de la vallée pour améliorer les condi- tions des cultures d'été pendant les mauvais étiages et pour étendre ces cultures tant sur des terres aujourd'hui incultes faute d'arrosage que sur des terres condamnées par le système de l'inondation aux seules cultures d'hiver.

L'idée d'emmagasiner les eaux de la crue du Nil est très ancienne. Les bassins d'inondation ne sont autre chose que des réservoirs créés tout le long de la vallée pour retenir les eaux pendant un certain temps sur les terres à fertiliser et les répandre ensuite, en cas de besoin, sur d'autres terres avant de les rendre au fleuve. Ce ne sont, il est vrai, que des réservoirs dont la durée d'action est très limitée puisqu'elle ne s'exerce guère que deux mois en tout, mais ils n'en absorbent pas moins, même réduits à la Haute et à la Moyenne- Egypte comme aujourd'hui, le cube considérable de 8 milliards de mètres cubes.

Le lac Mœris qui recouvrait la plus grande partie de la dépression qui forme la province actuelle du Fayoum^ n'avait d'autre but que de détourner du Nil une partie des eaux de la crue pour les restituer, pendant les mois d'étiage, au profit de la Basse-Egypte. Il formait une réserve très importante ; couvrant une surface de 100,000 hectares et contenant une tranche d'eau qui, sur 3 mètres de hauteur, dominait la vallée du Nil, il permettait de rendre au fleuve, en tenant compte des pertes dues à Tévaporation, plus de 3 milliards de mètres cubes d'eau. Les anciens égyptiens avaient donc compris l'impor- tance du problème et en avaient trouvé une solution grandiose.

Quelques anciens réservoirs existent encore au Fayoum, mais de peu d'étendue ; le pays se prête mieux qu'ailleurs à leur établissement à cause de ses pentes et c'est probablement un reste de tradition qui s'est perpétué depuis la disparition du lac Mœris.

Dans les temps modernes, le vice-roi Méhémet Ali avait chargé

1. Uistonj of the Faijoum, par le major R.H, Brown, R,E., 1895.

14 BULLETIN DE L INSTITUT EGYPTIEN

Linant bey d'examiner si on pourrait créer dans la Haute-Egypte des réservoirs;^ c'est à cette occasion que cet ingénieur fit des recherches sur l'ancien lac Mœris, Il fit en même temps ressortir que si l'on voulait créer des réserves d'eau de la crue sur des terrains voisins pendant quatre mois et demi d'étiage, il faudrait, en tenant compte de Tévaporation et des infiltrations, une hauteur d'eau de é'^jGO sur une surface égale au cinquième de la surface à irriguer. C'était impraticable dans ces conditions, du moment qu'il s'agissait d'établir de pareils bassins sur des terres cultivées alors fertilisées chaque année par l'eau de crue.

Le seul réservoir qu'ait établi Méhémet Ali est un grand bassin de 4,000 hectares de superficie formé par des digues en terre sur un terrain marécageux côtoyé par le canal Mahmoudieh ; se remplissant pendant la crue, ce bassin restituait son eau au canal pendant l'étiage.

En 1867, sir Samuel Baker avait signalé l'intérêt pour l'Egypte d'emmagasiner les eaux du Nil et de construire un réservoir à As- souan ; mais c'est surtout vers 1880 que l'attention du gouvernement égyptien fut de nouveau appelée sur la question de l'emmagasinement des eaux du Nil.

Après plusieurs années de recherches et d'explorations sur le Nil, un français, nommé De la Motte, fonda à Paris, à cette époque, sous les auspices de plusieurs notabilités égyptiennes, parmi lesquelles Nubar Pacha, la Société d'études du Nil. Le but que j^oursuivait M. de la Motte, avec l'aide de cette société, était vaste: rétablir tout le long du Nil le régime qui paraît avoir existé avant que les seuils des diverses cataractes n'aient été usés et abaissés par la violence des courants et créer ainsi une série de retenues destinées à régulariser le régime du fleuve et à rendre le gouvernement égyptien « enfin le maître des eaux du Nil ». Inspiré d'abord par des considérations d'ordre général, historiques, ethnologiques et économiques, ce plan d'ensemble commença à se préciser lorsque la Société d'études du Nil se mit à envisager les moyens de le réaliser. Entamant le pro- gramme d'aménagement du Nil par l'aval, elle résolut d'étudier le projet d'un barrage à Gibel Silsileh, point situé à 70 kilomètres au nord d'Assouan ; c'est l'endroit oii la vallée franchit les dernières

1. Mémoires sur les ijriiicijjaux travaux j)uMics en Egypte, par LiXAXT DE Bellefonds bey, p. 418.

UNE PAGE DE l'hISTOIKE DES IRKIGATIONS EN EGYPTE 15

couches de grès pour entrer dans le calcaire. Là, le fleuve est resserré entre deux promontoires rocheux, son lit a 350 mètres de largeur. Un ingénieur en chef des ponts et chaussées, L. Jacquet, fut envoyé par la société, dans l'hiver 1881-1882, pour visiter les lieux ; il pré- senta, le 15 juillet 1882, un rapport avec indication sommaire des ouvrages qu'il proposait. C'étaient un barrage plein, insubmersible, pouvant supporter 20 mètres de retenue, établi eu travers du Nil ; le creusement dans le rocher d'un nouveau lit de 300 mètres de largeur, fermé par un barrage mobile ; un déversoir latéral de 700 mètres de longueur sur la rive droite; une dérivation éclusée pour la navigation et un canal d'irrigation sur la rive gauche. Gebel Silsileh avait été choisi par la société en raison des conditions favorables d'exécution résultant de ce que le lit et les rives du Nil étaient constitués par un fond rocheux, mais aussi et surtout parce que, en amont de ce défilé^ s'étend une vaste plaine, désignée sous le nom de plaine de Kom Ombo et sur laquelle on espérait former un réservoir de 140,000 hectares de superficie, pouvant contenir 7 à 8 milliards de mètres cubes d'eau. M. Jacquet terminait son rapport en conseillant d'entreprendre les études définitives nécessaires pour reconnaître si le projet était réellement pratique. Mais l'affaire resta ])our le moment.

En 1886, un américain, M. Cope Witehouse, signala à 30 kilomètres du bord de la vallée du Nil, une vaste dépression nommée Ouady Rayan, située dans le désert, au sud-ouest du Fayoum, comme pou- vant servir de réservoir d'emmagasinement. Le fond de cette dépres- sion est à 42 mètres au-dessous du niveau de la mer, et, à l'altitude de 23 ou 24 mètres, cote minima nécessaire pour que l'eau mise en réserve sur cet emplacement puisse être déversée dans la vallée, elle a une superficie de 67,000 hectares. Les eaux de ce réservoir auraient pu être utilisées pendant l'étiage pour le Fayoum, la Basse-Egypte et la province de Ghizeh.

Le ministère des travaux publics, séduit par cette idée, en fit une première étude et conclut à la possibilité et à l'utilité de l'exécution, tout en déclarant que la situation financière et la nécessité de dépen- ser alors des sommes considérables pour le drainage de la Basse- Egypte, ne permettaient pas d'envisager encore l'extension des cultures d'été par l'emmagasinement des eaux de crue.

16 BULLETIN DE l'iNSTITUT ÉGYPTIEN

La question restait ainsi stationnaire lorsque M. Prompt, inspecteur général des ponts et chaussées, alors administrateur français des chemins de fer égyptiens de l'Etat, imprima aux idées une nouvelle direction qui allait hâter la solution du problème.

En proposant l'Ouady Rayan comme réservoir, M. Cope Witehouse s'était manifestement inspiré du souvenir de l'ancien lac Mœris dont l'emplacement était tout voisin. En choisissant Gebel Silsileh, la Société des études du Nil avait devant les yeux la vision de la vaste plaine de Kom Ombo qui devait former un nouveau lac Mœris tra- versé par le fleuve. Or, d'une part, l'Ouady Rayan, par sa situation géographique, ne peut être d'aucune utilité ni pour la Haute ni pour la Moyenne-Egypte, et, d'autre part, des nivellements avaient montré que la plaine de Kom Ombo était en général plus élevée qu'on ne l'avait d'abord espéré, et qu'un barrage en ce point aurait noyé la ville d'Assouan.

En février 1890, M. Prompt adressa au ministère des travaux publics un rapport duquel il résultait que, en raison des faibles pentes du Nil, il suffisait de rechercher dans le lit même du fleuve des points convenables pour asseoir solidement un mur de réservoir, la vallée elle-même avec sa largeur normale formant en amont de ce mur, avec une retenue de 16 mètres de hauteur, un réservoir suflisant pour contenir un ou deux milliards de mètres cubes d'eau. Ainsi, dans cet ordre d'idées, pourvu que le sol fut bon à l'endroit du barrage, il n'était pas indispensable qu'en amont la vallée s'élargît de façon à former un lac (ce qui d'ailleurs semblait n'exister nulle part) ; car la retenue devait s'étendre en longueur jusqu'à 150 à 200 kilomètres vers le sud comme conséquence de la pente même de cette vallée \ Plusieurs de ces ouvrages pouvaient, d'après M. Prompt, se construire les uns derrière les autres et il proposait d'en établir un à Kalabcheh, à 50 kilomètres en amont d'Assouan.

Les bases de l'étude des réservoirs du Nil se trouvant ainsi pré- parées, le ministère des travaux publics, alors dirigé par sir Colin Scott Moncrieff, décida en 1890 la création d'un service spécial sous la direction de M. l'ingénieur Willcocks, pour faire les recherches

1. Communications de M. Prompt à l'Institut Egyptien du 6 février et du 26 décembre 1891.

UNE PAGE DE L HISTOIKE DES IRRIGATIONS EN EGYPTE

17

nécessaires, examiner les diverses solutions possibles et présenter un projet.

Après quatre années de travail, M, Willcocks déposait, le 23 no- vembre 1894, un remarquable rapport dans lequel il faisait une monographie complète du Nil, exposait les besoins de l'irrigation dans l'hypothèse que la culture par inondation fût complètement supprimée, et comparait les avantages et les inconvénients de dix solutions différentes.

Les dix solutions examinées dans ce rapport sont les suivantes, en allant du sud au nord :

EMPLACEMENT DES BARRAGES

HAUTEUR DE RETENUE

CAPACITÉ UTn^E '

EN MILUONS DE MÈTRES CUBES

M.

22 25 25 28 19 25 28 20 24 3

1.800 2.560 2.650 3.580 900 2.700 3.700 2.390 3.510 1.000

Au sud de Philîe

Gebel Silsileh

Ouady Raïcin

M. Willcocks considère qu'il n'y a pas d'autre endroit possible en aval de Wadi-Halfa et donne la préférence à un barrage construit sur la cataracte d'Assouan avec une retenue de 28 mètres.

Quant aux quantités d'eau qu'il est nécessaire d'emmagasiner annuellement pour toute l'Egypte supposée cultivée entièrement par irrigation, en y comprenant les terres actuellement incultes qui peu- vent être défrichées, le ministère des travaux publics l'évaluait comme il suit :

Basse-Egypte 1,550,000,000 mètres cubes

Moyenne-Egypte 950,000,000 »

Haute-Egypte 1,160,000,000 »

Soit au total . . . . 3,660,000,000 mètres cubes

A débiter en avril, mai, juin et juillet avec un débit normal de

(1) La capacité utile est calculée en déduisant 5 à 7 p. 100 pour l'évaporatlon. Bulletin de l'Institut Egyptien.

18 BULLETIN DE l'iNSTITUT ÉGYPTIEN

320 mètres cubes par seconde pouvant s'élever à 630 mètres cubes par seconde en juillet.

Ces projets, après avoir été examinés et discutés par Sir William Grarstin, sous-secrétaire d'Etat au ministère des travaux publics, furent soumis à une commission internationale composée d'un ingé- nieur anglais, Sir Benjamin Baker, vice-président de l'institut des ingénieurs civils de Londres ; d'un ingénieur italien, M. G. Torricelli, professeur d'irrigation et d'assainissement à l'école supérieure d'a- griculture de Portici, et d'un ingénieur français, M. Boulé, inspecteur général des ponts et chaussées.

Cette commission se réunit en février 1894 et déposa son rapport en avril.

Le réservoir de l'ouady Rayan fut écarté comme nécessitant des canaux considérables pour amener les eaux et pour les décharger dans la vallée du Nil, comme exigeant un délai très long, peut-être dix années, pour être rempli jusqu'à la cote il devient utile, comme pouvant donner" lieu à des infiltrations dans le Fayoum et enfin comme ne pouvant être utilisé que pour la Basse-Egypte. La commission se prononça en faveur d'un barrage construit dans le Nil même, avec des ouvertures pourvues de vannes et capables de laisser passer les plus fortes crues ; elle condamna toute construction d'un barrage plein avec déversoir latéral, considérant que cette dernière solution était de nature à amener un prompt envasement du réservoir.

L'emplacement de Silsileh fut rejeté parce que la roche de grès qui se trouve en cet endroit, traversée par des couches d'argile, ne paraissait pas assez solide pour résister aux pressions des retenues proposées.

Il en fut de même pour Kalabcheh, parce que la trop grande profondeur du lit du fleuve (22 mètres en basses eaux) rendait la construction difficile et que le peu de largeur du chenal ne permettait pas de donner au barrage assez de développement pour l'écoulement des crues.

Le granit à Fhike fut trouvé trop fissuré.

Enfin, l'emplacement préconisé par M. Willcocks, au sud de la cataracte d'Assouan, fut reconnu par la commission comme satisfai- sant aux principales conditions jugées nécessaires, qui sont : un

UNE PAGE DE l'hISTOIRE DES IRRIGATIONS EX EGYPTE 19

rocher de fondation solide et compacte, un lit assez large pour qu'on puisse ménager dans le barrage les pertuis nécessaires à l'écoulement des crues sans vitesse exagérée, des chenaux peu profonds pour diminuer les difficultés de l'exécution.

La commission recommandait en principe que la hauteur maxima d'un barrage percé d'ouvertures ne dépassât pas 35 mètres avec une retenue maxima de 25 mètres.

Il semblait résulter des conclusions de la commission que le projet qui allait être réalisé serait un barrage établi sur la crête de la cata- racte d'Assouan avec une retenue de 25 mètres donnant pour le réser- voir une cote d'altitude de 115 mètres au-dessus du niveau de la mer et une capacité utile de 2,700,000,000 mètres cubes. Mais cette retenue noyait presque entièrement les superbes monuments qui couvrent l'île de Philaî. Une grande agitation se produisit dans le monde des savants et des artistes contre le manque de respect des ingénieurs pour les vestiges du passé, et finalement, cédant à cette pression, on adopta pour le niveau maximum du réservoir la cote 106 mètres, soit une retenue de 20 mètres sur le barrage, avec une capacité totale de 1,065,000,000 mètres cubes. C'est ce projet qui vient d'être exécuté.

Même avec ce niveau réduit, l'eau baigne tous les monuments de l'île de Philœ, pendant trois ou quatre mois par an, sur une hauteur de deux ou trois mètres, sauf le grand temple d'Isis qui reste toujours à sec. Une somme de 580.000 francs a été affectée à des travaux de consolidation de ces antiques constructions qui ont été reprises en sous œuvre dans toutes les parties qui ne reposaient pas directement sur le roc.

Le ]3rincipe de fonctionnement du réservoir d'Assouan en ce qui concerne son remplissage et sa vidange est le suivant : tous les pertuis sont largement ouverts pour l'écoulement de la crue depuis le moment elle commence à se faire sentir jusqu'au moment- les eaux deviennent idIus claires, c'est-à-dire dans le courant de novembre ; on règle alors les vannes de façon à ce que le réservoir se remplisse durant les mois de novembre, décembre, janvier et février, le surplus du débit du Nil, en quantité suffisante pour les besoins de l'agricul- ture et de la navigation continuant à passer en aval du barrage par les pertuis qui restent encore ouverts ; puis, dans les mois suivants, jusque vers le 15 juillet, on restitue au Nil le supplément d'eau indis-

20 BULLETIN DE l'INSTITUT ÉGYPTIEN

pensable aux cultures et le réservoir se vide, de telle sorte que lorsque le jflot des eaux limoneuses arrive, il trouve le lit du fleuve débarrassé, prêt à le recevoir et ne lui présentant d'autre obstacle que la section rétrécie du pertuis du barrage calculée pour débiter les crues ordi- naires avec une charge de 2 mètres et les plus fortes crues avec une charge de 4™,25.

Ainsi l'eau emmagasinée est lâchée directement, au moment voulu, dans le Nil qui le porte jusqu'aux prises des grands canaux d'arrosage.

La quantité d'eau à réserver pour une année et pour toute l'Egypte supposée cultivée entièrement par irrigation étant évaluée à 3,fir)0,000,000 mètres cubes et le réservoir d'Assouan n'en pouvant contenir que 1,065,000,000, il a fallu décider comment et sur quelle région du pays on exploiterait cette eau.

Une partie est destinée à la conversion en culture d'irrigation de 190,000 hectares de bassins d'inondation situés dans la Moyenne Egypte entre Assiout et Le Caire, sur la rive gauche du Nil, ce qui représente dans les mauvaises années, un volume de 410,000,000 mètres cubes à ajouter au débit du fleuve pendant les mois d'avril, mai, juin et juillet.

Des 665,000,000 mètres cubes restants, 205,000,000 mètres cubes doivent être consacrés à permettre la culture sucrière sur 80,000 hec- tares de bassins dans la Haute-Egypte au moyen de pompes à vapeur ; quant au surplus, il sera réservé pour les usages suivants : développer dans le Fayoum les cultures d'été qui ne couvrent aujourd'hui qu'un cinquième du territoire ; assurer pendant les étiages bas un arrosage suffisant aux cultures de coton dans la Basse-Egypte ; mettre en valeur daïis la Basse-Egypte et dans le Fayoum, 80,000 hectares environ des terres aujourd'hui stériles faute d'eau, notamment autour des lacs et sur les bords du désert.

La répartition de l'eau du réservoir d'Assouan serait donc à peu près la suivante :

Haute-Egypte 205,000,000 mètres cubes.

Moyenne-Egypte 160,000,000

-Egypte et Fayoum 350,000,000

Total 1,015,000,000 mètres cubes.

à ajouter :

Pertes par évaporation et absorption 5 p. 100 50,000,000 mètres cubes.

Total 1.065,000,000 mètres cubes.

chiffre égal à la capacité du réservoir.

UNE PAGE DE L HISTOIRE DES IRRIGATIONS EX EGYPTE 21

L'utilisation des eaux destinées à la Haute et la Basse-Egypte n'exige pas la construction d'ouvrages spéciaux importants, mais il n'en est pas de même pour la Moyenne-Egypte. L'irrigation de cette région est desservie par le canal Ibrahimieh qui, après les travaux de transformation des bassins à supprimer, arrosera 426,000 hectares y compris le Fayoum, et alimentera en outre, pendant la crue, 30,000 hectares maintenus à l'état de bassins sur la rive gauche du Bahr- Yousef. On ne pouvait songer à laisser cette importante artère dans l'état elle se trouvait, à la merci des fluctuations du niveau du fleuve. En même temps qu'on construisait le réservoir d'Assouan, on établissait, en tête du canal Ibrahimieh, un ouvrage de prise composé de neuf arches de 5 mètres avec écluse accolée de 50 mètres de lon- gueur sur 9 mètres de largeur et, en travers du Nil, un grand barrage analogue à celui du Delta, dont onze ouvertures de 5 mètres avec une écluse de navigation ayant 80 mètres de longueur et 16 mètres de largeur.

L'exécution de l'ensemble des travaux d'Assouan, du barrage du Nil à Assiout et de l'ouvrage de prise du canal Ibrahimieh, coûta 85 millions de francs. En outre, la construction des canaux d'alimen- tation et de drainage des 190,000 hectares de la Moyenne-Egypte à aménager pour l'irrigation, peut être évaluée, y compris tous les ouvra- ges accessoires, à 50 millions. C'est donc une somme totale de 135 mil- lions qui se trouve engagée dans cette oiDération.

Pour compenser les dépenses ainsi faites, le gouvernement ég}TDtien a établi des taxes supplémentaires sur les terres des bassins qui profi- teront du supplément d'eau fournie par le réservoir. Ces taxes annuel- les sont fixées à 31 francs par hectare pour les terres qui recevront l'eau au niveau du sol et à 19 francs par hectare pour celles sur les- quelles l'eau aura besoin d'être élevée par des pompes \ Lorsque tous les] travaux d'aménagement seront terminés, on peut estimer, d'après les surfaces indiquées plus haut, le produit annuel de ces taxes à plus de 7 millions de francs.

On peut se rendre compte approximativement, par des considéra- tions générales, du bénéfice qui résultera de ces travaux pour le pays lui-même. Dans la Moyenne-Egypte, les terres irriguées valent actuel-

1. 50 et 30 piastres par feddan.

22 BULLETIN DE L INSTITUT EGYPTIEN

lemeut, en moyenne, 3,500 francs par hectare et les terres des bassins 2,000 francs. C'est donc de 1,500 francs par hectare que s'augmentera le prix des terres des bassins converties en terres d'irrigation. Pour 190,000 hectares, cette plus-value représente une somme de 285,000,000 de francs, et, en comptant un rendement net de 5 pour cent (ce qui n'est nullement exagéré en Egypte), une augmentation de revenu annuel de plus de 14,000,000 de francs, rien que pour la Moyenne- Egypte, c'est-à-dire pour une partie seulement des terres qui profite- ront du barrage d'Assouan.

Le barrage d'Assouan, commencé en 1898, est actuellement terminé. Il a été inauguré en grande pompe le 10 décembre 1902 et il a com- mencé à fonctionner pendant le très mauvais étiage de 1903.

La cote maxima du réservoir est fixée à 106 mètres et la cote mini- ma à laquelle se maintient l'eau en aval est 86 mètres; le barrage doit donc retenir une hauteur d'eau de 20 mètres. Avec cette retenue, le réservoir contient 1,065,000,000 mètres cubes d'eau et le relèvement de niveau se fait sentir sur le Nil jusqu'à 160 kilomètres en amont.

La crête du barrage est arrêtée à la cote 109 et le dessus du parapet à la cote 110 ; les fondations, en un point de la passe du grand chenal ayant été descendues jusqu'à la cote 70 mètres, il en résulte que la plus grande hauteur de l'ouvrage, y compris sa fondation, est de 40 mètres, le point le plus bas atteint par les fondations est à 13",50 au- dessous du lit du fleuve et la plus gi'ande hauteur de maçonnerie au- dessus de ce lit est de 28 mètres.

La longeur du barrage est de 1,966 mètres ; son tracé est rectiligne en plan ; sa section est celle d'un mur de réservoir en maçonnerie (pi. XXVII, fig. 1 et.2).

Sur 500 mètres environ, rive droite, c'est un mur plein, mais sur le reste de sa longueur il est percé de cent quatre-vingts ouvertures des- tinées au passage de l'eau. Ces orifices sont munis de portes mobiles qu'on peut lever ou abaisser suivant qu'on veut vider ou remplir le réservoir. Ils sont placés à des niveaux différents de façon à permettre de réduire autant que possible la pression d'eau sous laquelle chaque vanne doit manœuvrer ; ils sont divisés en pertuis inférieurs au nom- bre de 140 et pertuis supérieurs au nombre de 40.

Les pertuis inférieurs ont 7 mètres de hauteur sur 2 mètres de longueur, soit un débouché de 14 mètres carrés ; les pertuis supérieurs

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ont une surface moitié moindre, leur hauteur étant de S'^jOO avec la même largeur de 2 mètres. Leur section est rectangulaire avec un évasement à l'amont.

Un canal de navigation a été creusé dans le roc, à l'extrémité rive gauche du barrage. Sa longueur est de 2,000 mètres environ. La chute de 20 mètres entre le niveau maximum du réservoir et le niveau minimum du Nil, en aval du barrage, est rachetée par quatre écluses dont trois ont 6 mètres de chute chacune et la quatrième 3 mètres. La largeur du canal au plafond est de 15 mètres. La largeur des éclu- ses est de 9™,50 et leur longueur utile de 75 mètres. La navigation devant être maintenue dans ce canal, en tout temps, quel que soit le niveau du réservoir, les portes de l'écluse amont